La genèse

Situé dans la grande plaine de la Hardt entre le cours de l’Ill et la route du Rhin, Rustenhart a été érigé sur un très ancien chemin reliant le Rhin à la montagne. Notre village se trouve également peu éloigné d’une ancienne voie romaine qui menait de Massilia (Marseille) à Vieux-Brisach. Les nombreux tumulis dispersés un peu partout dans la Hardt prouvent que cet endroit était peuplé depuis fort longtemps. A cette époque, les hommes parcouraient les bois et les taillis pour chasser et avaient leur foyer le long des cours de l’Ill et du Rhin. Ce n’est qu’après les invasions des Alamans et des Francs que l’on découvrit sur le territoire de la Hardt des pâturages convenant aux troupeaux de moutons. Là s’implantèrent alors des localités. Rustenhart consacrera d’ailleurs son église à Saint-Barthélémy, le protecteur très vénéré de la confrérie des bergers.

Un premier village

A l’emplacement actuel de Rustenhart, au lieu dit « Plan » s’implanta déjà du temps des Francs une première colonie d’hommes qui porte le nom de son fondateur, Rocher Ruochesheim ou Ruessen ou Rueschen. Louis, chevalier de Ruochesheim en 1265, puis Rodolphe, bailli des Habsbourg d’Autriche à Ensisheim, en devinrent successivement les seigneurs. La localité prit officiellement le nom de Ruchsheim en 1303 et dépendait de l’administration autrichienne. Curieusement, le village disparut complètement au fil du 14e siècle. Une querelle d’héritage serait à l’origine de sa disparition. A cette époque, des hordes guerrières commanditées par le chevalier français Enguerrand de Coucy, étaient venues, comme l’indique Glöckler dans son ouvrage « Alsace », par le col de Saverne pour attaquer le duc Léopold d’Autriche en parenté avec de Coucy. Ces troupes commirent de multiples dévastations et exactions, mais très vite elles s’enfuirent devant les troupes impériales et se retirèrent vers la France en passant par les vallées vosgiennes. Quelques années plus tard, elles revinrent à l’époque des moissons et dévastèrent tout sur leur passage.
Le duc Léopold d’Autriche qui avait une résidence à Breisach, fortifia alors en toute hâte ses places fortes en Haute-Alsace, contraignit les paysans à se réfugier avec corps et biens et fit incendier leurs maisons abandonnées. Ce faisant, ce prince causa plus de dommages à ses sujets que l’ennemi lui-même ne l’avait fait. L’ennemi ne devait plus trouver de point d’appui dans le pays. Lors de son arrivée en novembre 1375, il ne trouva qu’un vaste désert et se dirigea rapidement vers la Suisse. La querelle fut enfin réglée lorsque le duc Léopold céda en 1384 les seigneuries de Nidau et de Büren au seigneur de Coucy. Beaucoup de ces villages furent détruits, certains jamais reconstruits.
De nombreux habitants moururent dans les villes surpeuplées, d’autres restèrent sur place à l’abri de leurs murs protecteurs ou se regroupèrent pour construire en commun un nouveau village. Le livre des impôts de Bâle de l’année 1444 mentionne encore un prêtre séculier à Ruchsheim, et même un chapelain, mais ceci n’est pas une preuve certaine de l’existence du village. Une petite chapelle fut érigée sur l’ancien cimetière.
Quelques temps plus tard, lors de la guerre de trente ans (1618-1648), les hordes de Suédois saccagèrent l’édifice cultuel. Sur les ruines de Ruchsheim se développa une forêt de chênes. Aujourd’hui encore on découvre sur ce site des restes de maçonnerie.

La « renaissance »

Ce n’est qu’en 1692 que le successeur des seigneurs de Ribeaupierre, Christian de Birkenfeld passa un contrat avec cinq personnes pour reconstruire le village. De nombreuses familles d’origine Suisse reçurent des terres contre un certificat de bonne vie et mœurs.
A la veille de la Révolution française, Rustenhart est administré par un Schutheis et Amtmann (celui qui prononce un jugement, préfet). La période révolutionnaire fut difficile à vivre surtout pour le curé Joseph Minery qui refusa de prêter serment de fidélité au nouveau régime. Ce dernier dut vivre dans la clandestinité. Dénoncé, il se réfugia en Suisse. Revenu peu de temps après, il fut arrêté avec son protecteur Jean Vonau (chez qui il s’était caché) et emprisonné à Colmar.
Ils furent libérés grâce à l’intervention d’un habitant du Rheinfelderhof.
Il mourut en 1808.

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Les deux conflits mondiaux

Lors du 1er conflit , vingt-sept jeunes du village perdirent la vie. Treize jeunes furent tués au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
L’exode
Le 24 août 1939, jour de la fête patronale Saint-Barthélémy, les premiers conscrits sont enrôlés dans l’armée française. Le 1er septembre 1939 les villageois doivent tout quitter. Ils se mettent en route pour Rimbach, puis pour Soultz et arrivent finalement à Mirande dans le Gers. Un an plus tard, en juin 1940, Rustenhart est touché par quelques tirs d’artillerie allemande ; Les 15 et 16 juin de la même année, les dernières troupes françaises se retirent du village. Le 17, les troupes allemandes prennent la relève. Fin août, le maire de Mirande annonce aux réfugiés que les autorités allemandes exigent leur retour. Le 2 septembre, après une semaine de voyages dans des wagons à bestiaux, ils arrivent chez eux.
La liberté retrouvée
Le 6 février à 15 heures, les troupes américaines libèrent le village. Dans les années qui suivirent, on répara les dommages causés par cette guerre. En 1946, la commune adhéra à la Société coopérative de reconstruction immobilière des églises et édifices religieux ouvrant droit à l’indemnité de dommages de guerre. En 1950, elle touchera une indemnité pour les dommages causés à l’église.

Le Saviez-vous ?

Rustenhart est le village natal du futur général Entz. Il est né le 30 septembre 1853. Son père, Léger Entz était instituteur. Nommé général de brigade en 1911, il mourut lors d’une manœuvre dans le cantonnement de Tournus en 1912. Officier de la légion d’honneur, il est inhumé à Sennecey le Grand en Haute-Saône.

C’est entre Dessenheim et Rustenhart que le commandant Edmond Marin la Meslée trouva la mort. C’était le 4 février 1945. Pilote de chasse émérite, il fut inhumé au cimetière de Rustenhart. En 1949, son corps fut déposé sous l’étoile qui marque l’impact de la chute de son avion.
Il est assez émouvant de relire les tous derniers échanges radio. Le dimanche 4 février 1945, le commandant Marin la Meslée décollait pour sa dernière mission.
L’indicatif de sa patrouille est Marina, Tusso l’autre patrouille et Remedy le contrôle, les autres noms sont des noms propres.
– Allo Remedy, ici Marina, un camion en feu à la sortie nord de Rustenhart.
– Compris, Marina, est-ce un camion d’essence ?
– Allo, Uhry, ici Marina, répondez-moi.
– Allo, Uhry, je vire à gauche pour une deuxième attaque.
– Allo, ici Muso, attention barrage de flak moyenne. Attention pour le pilote qui a le feu, oh… trop tard !
– Allo, ici Costille, c’est le commandant qui a le feu.
– Allo, ici Muso, rassemblement pour tout le dispositif.
– Allo, Marina, ici Remedy, donnez le résultat de votre mitraillage.
– Allo, Remedy, il manque deux avions dont le commandant.
– Avion qui parlez, répétez le noms des pilotes abattus.
– Allo, Remedy, ici Muso, le commandant Marin la Meslée s’est écrasé au sol, le commandant Marin la Meslée s’est écrasé au sol… »

Quelques anecdotes

Rustenhart a été raccordé au téléphone en 1912. Un téléphone public sera installé chez Catherine Schneider en 1929  puis transféré au restaurant de François Gsell, devenu par la suite un magasin d’alimentation et une boutique de cadeaux (fermés aujourd’hui).
Le Crédit mutuel, descendant de  » l’Association charitable de Heddesdorf  » créée en 1852 pour lutter contre la grande pauvreté disposait d’une agence (aujourd’hui la bibliothèque). Le Crédit mutuel vit le jour en 1897 et son siège se trouvait dans les premières années, au domicile privé des gérants successifs. L’agence fut inaugurée en 1982. C’est en 2004 que la commune fit l’acquisition du bâtiment.
Les pompiers
C’est en 1869 que fut créé un service de défense contre l’incendie. Les pompiers furent choisis parmi les ouvriers les plus qualifiés.
Le corps des sapeurs-pompiers fut créé en 1946. La caserne, achevée en 1987 fut entièrement érigée par les hommes du feu à titre bénévole.
Les armoiries
Créées en 1978, elles sont constituées d’un fond en forme d’ écu divisé horizontalement en 6 pièces d’égale largeur, où 3 pièces d’argent (blanc) alternent avec 3 pièces d’azur (bleu). Sur ce fond est posée une étoile d’or (jaune) à 6 branches. L’étoile était l’emblème du village au 19e siècle. Le fascé d’argent et d’azur était le blason des Truchsess de Rheinfelden, patrons laïcs de l’église au 18e siècle.

Le patrimoine

L’église Saint-Barthélémy
Consacrée en 1698, le chœur fut achevé en 1704. La sacristie et la tour le furent entre 1709 et 1712. Le clocher de la fin du 17e siècle est construit sur un plan carré pour se transformer en octogone. La coupole et la lanterne sont en pierre de taille. L’ancienne nef fera place en 1859 à une nef plus large. Le premier curé, Rodolphe Higelin, originaire de Guebwiller, fut installé en octobre 1701. C’est lui qui fit ériger le chœur de l’édifice. Il exhuma des ruines de l’ancienne église la pierre tombale d’un chevalier portant la date de 1419. Décédé en 1709, il fut enterré sous cette pierre au milieu de l’église. Cette pierre se trouve actuellement sur le côté de la nef. Le 20 octobre 1715, l’église fut dédiée à l’apôtre Barthélémy.
L’orgue, véritable petit bijou, mérite le détour. Cet instrument a été construit par Valentin Rickenbach II (1831-1870). Cette dynastie de facteurs d’orgue remonte à 1795.
Originaires d’Ammerschwihr, on leur doit de nombreux et magnifiques ouvrages alsaciens, notamment du 19e siècle.
L’aventure de cette famille prendra fin en 1949.

Devant l’église se trouve la pierre tombale de Jean-Baptiste Cousy, curé de Rustenhart de 1885 à 1899.

Les croix de chemins
Trois croix dites de chemins et représentant le Christ crucifié se trouvent sur le territoire de la commune.
La croix située devant l’église date de 1748. Elle fut restaurée en 1794. On peut y lire l’épitaphe du dernier prévôt de Rustenhart, Philpp Elsser né en 1748, décédé en 1794. Cette croix était édifiée sur l’ancien cimetière.
Une autre croix se trouve rue d’Oberhergheim. On peut y lire l’inscription « CRUX AVE ». Elle daterait du début du 19e siècle.
Quant à la croix qui se trouve dans l’enceinte du cimetière, on peut y lire qu’elle a été érigée à la demande de Catherine Hassenfratz née en 1903. Elle porte les dates « Mission » 1922, 1933-1952.
Rue de la chapelle, on peut voir un oratoire datant de la première moitié du 19e siècle représentant le Christ en croix.

La mairie
Construite en 1935, elle a été rénovée et abrite aujourd’hui l’école élémentaire. La mairie actuelle a été construite en 1977 et le presbytère a été transformé en logement comprenant 2 appartements.

Le Rheinfelderhof

Au milieu de la grande plaine d’Alsace moyenne se situe le hameau nommé « Rheinfelderhof », très exactement entre les communes de Rustenhart et de Balgau, entre la route du Rhin et celle de la Hardt. La proximité du Rhin avant l’endiguement, réalisé en 1840, a été à l’origine du nom.
Les premières citations des arpents de « Rhinvelden » et de « Schaefervelt » remontent à l’année 1179 lorsque l’abbaye de Munster donnait jouissance de ses terres à défricher à l’abbaye de Pairis dans la vallée de Kaysersberg. Une partie de ces terres se trouvait près de Nambsheim, l’autre près de Balgau.
Quatre années plus tard, en 1183, les moines de Pairis, des Cisterciens, suivant une de leur chère coutume, fondent la « Grangie de Rhinvelden », ferme d’une assez grande importance.
Le roi Albrecht Ier, fils aîné de Rodolphe de Habsbourg, est assassiné après dix années de règne, le 1er mai 1308, lors de la traversée de la Reuss près de Brugg, Aargau.

Sa veuve, Elisabeth, fonde l’année suivante, pour le salut de l’âme de son mari et ses ancêtres, un couvent des Clarisses à Koenigsfeld près de Brugg. Elle achète la « Grangie » et en dote le nouveau couvent.

En 1403, les Habsbourg obtiennent le baillage de la ferme dépendant à cette époque de la principauté de Landser. Il faut s’imaginer que l’Alsace était alors composée de villes libres – la Décapole ­ d’une multitude de principautés.

En 1469, le Rheinfelderhof passe entre les mains du Prieuré de Saint Valentin de Rufach (Rouffach). En 1469, le Rheinfelderhof passe entre les mains du Prieuré de Saint Valentin de Rufach (Rouffach).
En 1688, les Jésuites prennent la succession de l’ensemble qui, en 1770, devient propriété du Collège Royal de Colmar, l’actuel lycée Bartholdi.
En 1792, le Rheinfelderhof est confisqué en tant que bien du clergé par la Révolution. En effet, dès le 22 décembre 1790, Antoine Muller, fils fermier au Rheinfelderhof, certifie devant un officier ministériel que dans le ban il n’existe aucun bien ecclésiastique ni de rente à payer au clergé.
Le 2 frimaire an 3 (22 novembre 1794), la valeur de l’ensemble du Rheinfelderhof, bâtiments et terrains, est estimée. Cette estimation annonce l’adjudication qui a lieu le 2 nivose suivant (22 décembre 1794). Le domaine est vendu comme bien national confisqué sur les émigrés Éléonore Charlotte et Anna Elisabeth Edwige de Sandersleben de Colligny.
Le restant de l’enclos forme en partie la cour, le jardin potager et en partie la vigne, le tout étant clos par une haie vive. L’ensemble, bâtiments et terrrains, qui avait été estimé à 76 815 livres est adjugé finalement pour la somme de 67 300 livres à la troisième bougie à Philippe Jacques Greiner.

Situation du RHEINFELDERHOF à la révolution :

Il ne s’agit plus de biens du clergé, mais de biens seigneuriaux confisqués. Le premier lot, celui qui deviendra Rfh 1, est constiué par les bâtiments :
a : Habitation du berger : un rez-de-chaussée composé d’une cuisine, d’un poêle et d’une chambre.
b : Ensemble constitué par la maison d’habitation principale : petite cave, rez-de-chaussée avec vestibule, cuisine, poêle, 3 chambres, d’autres chambres.
Au 1er étage, le tout construit en galandure (briques), attenant à cette maison une échoppe et une grange, le tout représente 33 x 7 m. La maison et l’échoppe ont disparu en 1965.
c et e : Écuries et étables.
Malgré les modifications survenues en deux siècles, la comparaison entre le plan de 1794 et la situation actuelle de Rfh 1 montre que la structure générale est conservée.

Le deuxième lot, côté oriental, ultérieurement Rfh 3, comprend :
f et g : 2 granges.
h : La maison du fermier, celle-ci a les mêmes dimensions que l’habitation principale 16 x 7 m, mais ne comprend que le rez-de-chaussée.

L’arrivée des PETERSCHMITT

L’origine des Peterschmitt se trouve à Sainte-Croix-en-Plaine au moulin Obermühl dit « Taüfermühle ». « Taüfer » ou « Wiedertaüfer » décrit leur religion, l’origine de leur croyance, c’est-à-dire les anabaptistes ménnonites (évangéliques). Leur mouvement est issu de la Réforme, début du protestantisme au XVIe siècle.

1. 1517 : Martin Luther et Calvin sont à la tête de la Réforme en Allemagne, en Suisse et en France. Leur message principal sortant des 95 thèses est le salut par la foi en Jésus-Christ seul.

2. 1525 : Ulrich Zwingli (Suisse) et Conrad Grebel contestent une partie de la doctrine de Luther. Menno Simon ancien prêtre sera aussi l’un d’eux en 1536 (origine ménnonite). Les messages principaux sont :
– Le baptême des adultes croyants et non des enfants, d’où le terme anabaptiste.
– Le salut par la foi en Jésus-Christ seul.
– La non violence, la vie communautaire.
– L’obéissance aux Saintes Écritures (Bible).

Citadins d’origine et suite aux persécutions, il se retrouvent éparpillés dans les montagnes, les plaines en tant que meuniers et agriculteurs (XVIe et XVIIe siècles).

En 1809-1810, les premiers Peterschmitt s’installent au Rheinfelderhof. Sébastien Peterschmitt (1792-1866) est le premier à y habiter avec sa famille, mais déménagera suite au décès de sa première femme en 1832.

Les deux maillons de la longue chaîne des PETERSCHMITT

1. Son frère Peter P. (1785-1838) arrive autour de 1819 et constitua le premier maillon de la ligne Rheinfelderhof A (Rfh A).
2. Un neveu François-Joseph (1815-1879) s’y établira en 1840 qui sera le deuxième maillon de la ligne Rheinfelderhof B (Rfh B).
Il y a lieu de mentionner le cimetière qui existe depuis 1898 recueillant également les défunts du Fohrenhof. Auparavant, les inhumations s’effectuaient au cimetière de Rustenhart.

Frank PETERSCHMITT
Sources : Bulletin de l’association française d’histoire anabaptiste-ménnonite (AFHAM).

Citation

« Moi Rueschen, j’était déjà enseveli depuis 5 siècles, mais comme Phénix, je me suis relevé de mes cendres ».
Rodolphe Higelin, curé de Rustenhart (1704).